une partie du texte que j'écris sur mon enfance, l'extrait se situe lorsque j'avais 6 ou 7ans et je décris la traite des vaches et mes souvenirs...
Ma mère , protégeait sa blouse d’un tablier de toile et nouait un foulard sur ses cheveux. Les pieds chaussés de bottes, elle transportait les bidons vides et les seaux dans l’étable.
Pendant ce temps, mon père ; un bâton à la main, revêtu d’une salopette bleue et d’un béret, allait chercher les vaches aux champs. Elles guettaient son arrivée attendant qu’il les détache une à une. Elles s’en allaient d’un pas tranquille vers l’étable, les mamelles pleines de lait et rentraient sans se faire prier.
Il les attachait à l’auge. Le pis des vaches était lavé au préalable avec un chiffon trempé dans l’eau. Mes parents s’asseyaient sur un trépied et mettaient le seau en équilibre entre leurs genoux. La tête appuyée sur le flanc de l’animal, la traite pouvait commencer, par un mouvement et une pression régulière des doigts. Elle s’effectuait dans le calme et le silence , seul le giclement du lait dans le fond du seau en fer blanc venait rompre la quiétude de l’instant. Parfois un ho ! sonore rappelait à l’ordre une vache agitée.
Les trayeurs maintenaient la cadence et une mousse blanche et vaporeuse remplissait peu à peu le seau dans un chuintement régulier, signe que les vaches donnaient leur lait de bon cœur.
L’été, il fallait faire la chasse aux mouches et aux taons qui ne laissaient pas un moment de répit , tant à l’animal qu’au trayeur occupé par la besogne . Toutes les occasions étaient bonnes pour piquer l’un ou l’autre et leur sucer un peu de sang ! La douleur était cuisante et l’animal , harcelé de toutes parts, donnait des coups de pieds pour chasser les intrus, sans résultats hélas. Il fallait retenir le seau qui risquait d’être renversé à tout instant et éviter les cinglants coups de queue, qui fouettaient l’air dans la chaleur étouffante. C’était l’occasion de véritables contorsions. La sueur coulait sur leur front et le long de leur dos.
Les vaches pendant la durée de la traite, recevaient une ration de farine et du foin, pour augmenter leur lactation.
Au fur et à mesure que les seaux se remplissaient, il fallait filtrer le lait et le vider dans les bidons.
J’ai le souvenir, d’une ribambelle de chats, de toutes les couleurs ,attendant impatiemment la traite. Ils savaient que pour eux l’heure du festin approchait. Il y avait toujours une écuelle posée par terre où, on leur mettait du lait mousseux et tiède, qu’ils lapaient goulûment. Ils accouraient de toutes parts, la queue en l’air pour venir prendre leur repas. Les chattes traînant leurs petits à leur suite. Après s’être rassasiés, ils s’installaient dans un coin pour y faire leur toilette en léchant leur pelage à grands coups de langue , afin d’y récupérer les gouttes qui s’y étaient déposées. Il arrivait parfois, qu’ils s’endorment repus le ventre rebondi sur la litière fraîche ou sur les bottes de paille.
La traite terminée, mes parents portaient les bidons lourds et tièdes dans le local froid de la laiterie à l’abri de la chaleur et des mouches. Ils étaient refroidis dans des bassins remplis d’eau fraîche.
Le lendemain matin, le lait était ramassé par la camionnette de la laiterie ou écrémé sur place, par le laitier.
Il comptabilisait la quantité collectée et la notait , au crayon de papier sur un carnet fourni par laiterie de Charroux. Il remettait ensuite le crayon derrière son oreille et repartait vers les autres fermes. Chaque début du mois suivant, la paie du lait nous était réglée en espèces.
Le petit lait allait aux cochons dont il améliorait l’ordinaire. Il restait alors à tirer l’eau du puits et à la faire chauffer, ma mère lavait alors les ustensiles à grands coups de brosse en chiendent et de lessive. Elle les rinçait ensuite soigneusement à l’eau fraîche, elle ajoutait de la javel à la dernière , puis les mettait à égoutter dans la laiterie pour limiter les microbes et les odeurs de caillé. Ils étaient secs et propres pour la traite suivante.
L’étable était l’endroit de prédilection des hirondelles, qui y venaient plus nombreuses chaque année. Elles y trouvaient la sécurité et la pitance, car très friandes d’insectes, et pouvaient en gober en plein vol une grande quantité. Elle bâtissaient leurs nids faits de terre et de brindilles de paille entre les solives de bois du grenier. Les petits y naissaient à la fin du printemps.
Les vaches, apportaient des champs ,bon nombre de mouches que les hirondelles pourchassaient pour leur progéniture, faisant aussi le régal des araignées qui avaient suspendu leur toile entre les poutres et la porte de l’étable.
Lorsqu’ils y avaient de jeunes veaux, ils étaient attachés par une longe à un fer à cheval fixé dans le mur. Les premiers jours, ils tétaient matin et soir avant la traite le colostrum au pis de leur mère, plus grands , ils buvaient dans un seau.
Quelques belles génisses restaient pour renouveler le troupeau et les autres partaient pour les élevages , achetés par le marchand, appelé aussi maquignon.
Chaque matin dès le réveil, commençait la corvée du fumier.
Muni d’une fourche, il fallait enlever la litière souillée et la mettre dans une brouette large et en bois. Pour ensuite , la vider sur le tas près de l’écurie. Mon père grimpait dans le grenier pour jeter de petites bottes de paille, il coupait la ficelle pour étaler la paille fraîche entre les pattes des bêtes. Le soir, on rafraîchissait juste la litière, en ajoutant de la paille propre sur celle du matin, en ayant soin d’enlever au préalable et de mettre de côté les bouses afin que les mamelles ne soient pas salies pendant la nuit.
Petite fille, je venais regarder mes parents s’affairer pendant la traite. J’entends encore le bruit métallique des chaînes agitées par les vaches et leur raclement le long des crèches. Il me revient aux narines, l’odeur forte de l’étable, mélange de sueur des bêtes et de lait, de bouse et de foin. Je m’asseyais sur une botte de paille où venaient me rejoindre les chats, à la recherche de quelques caresses, ils grimpaient sur mes genoux en ronronnant de plaisir.
J’étais ainsi, avec mes parents qui me surveillaient du coin de l’œil, jamais je n’ai ressenti l’ennui. Lorsque j’avais envie de bouger un peu, je me rendais dans le milieu( appelé ainsi, car de chaque côté se trouvaient les crèches, donc je me trouvais au milieu d’elles). J’allais parler aux vaches qui me regardaient de leurs beaux yeux noirs. Je caressais leur mufle tiède de mes petits doigts et je recevais souvent au passage de grands coups de langues rugueuses et humides.
La production de lait ne suffisant pas à faire vivre sa famille, mon père , la complémenta par une porcherie. Il vendait les porcelets au sevrage .
Les truies se promenaient en liberté avec leurs petits, sous les arbres, derrière la porcherie. Elles aimaient se vautrer dans la boue et fouiller le sol à la recherche de glands et de racines.
Les porcs recevaient deux fois par jour leur repas , composé essentiellement de farine de grains qu’il écrasait au moulin . Mélangée à de l’eau ou du petit lait, des pommes de terre cuites et des restes de cuisine , venaient parfois s’y ajouter. Il vidait le tout dans des auges en pierres ou en ciment. Les porcs en entendant les seaux s’entrechoquer, accouraient en grondant d’impatience et se jetaient sur leur pitance pour l’avaler goulûment. Leur groin s’enfonçait dans l’auge et fouillait le fond pour y trouver les plus gros morceaux de nourriture .Lorsqu’ils relevaient la tête, ils mâchaient bruyamment, les paupières mi-closes sur leurs yeux rouges et les babines dégoulinantes du jus de leur repas :
J « j’ai compris en les observant, d’où venait l’expression : manger comme un cochon »
![Clin d'oeil :wink:](./images/smilies/icon_wink.gif)