Il est urgent de mourir en Creuse !

[joelausec]

Vous avez l'intention de prendre votre retraite en Creuse? Moi aussi j'ai fais ce beau rêve.



Depuis trois mois je suis malade, une douleur sur le coté et des poussées de fièvre. L'aventure a commencé en région parisienne, aux urgences de Poissy, où on m'avait diagnostiqué "par défaut" un ulcère à l'estomac. Comme ils n'avaient rien trouvé d'autre sur les analyses sanguines et la radio des poumons, et comme je prenais des inhibiteur de pompe à proton, ils en ont tiré cette conclusion sans même vérifier par une fibroscopie. Ils ont doublé ma dose d'IPP, et ça m'a rendu encore plus malade.



Quelques jours plus tard, de retour en Creuse, je vais voir mon médecin traitant et lui demande une ordonnance pour une fibroscopie afin d'en avoir le coeur net. Il n'y a aucune lésion au niveau de l'estomac, mais le gastro me dit que mon médecin traitant devrait prescrire un scanner, et il lui envoie un courrier dans ce sens. Mon médecin traitant me dit que je m'inquiète pour rien, que c'est une douleur costale qui va passer, il n'a pas reçu le courrier du gastro et ne me prescrit pas le scanner. Effectivement, la douleur s'est estompée et j'ai repris le travail... jusqu'au 9 juin, alors que j'étais à Niort, les douleurs et fièvres m'ont repris au point que j'ai fais appel à un ami pour me ramener en Creuse, je n'étais pas en état de conduire.



Le lendemain, incapable de me déplacer, j'appelle mon médecin à domicile, il "pense" que c'est une affection pulmonaire où une diverticulite, mais avec la dose massive de pénicilline et de Doliprane qu'il me prescrit, il est persuadé que ça va passer. Pour se conforter dans son idée il me prescrit une radio pulmonaire, alors qu'on m'en avait déjà fait une à Poissy et que cette dernière n'avait rien révélé. La nouvelle radio ne donne pas plus d'éléments de réponse. Donc je me soigne pendant 15 jours, avec des effets secondaires particulièrement désagréables et je reprends le boulot, pas trop rassuré, parce que s'il n'y a plus de douleur aiguë, il reste quand même une sensibilité permanente au coté.



A peine trois jours après l'arrêt du traitement à base de pénicilline, je fais une nouvelle crise, retour chez le médecin traitant qui me prescrit une échographie. Le radiologue voit une "tache" au foie et me dit qu'un scanner serait plus précis. Cette fois, il se décide enfin à prescrire le scanner. Inutile de préciser que la notion d'urgence n'existe pas en Creuse et que ce sont à chaque examen de longs délais d'attente. Au scanner, on détecte quatre nodules au foie. Vu la figure déconfite de mon médecin à la lecture du scanner, je décide donc de réunir tous les éléments de mon dossier et d'aller de mon propre chef au CHU de Limoges en service d'hépatologie.



Là ça se met assez rapidement en place. mon dossier est étudié en staff trois jours plus tard, on me convoque pour une biopsie du foie le 17 juillet, on me prescrit une coloscopie et un scanner thoracique que je parviens à passer le 22 juillet, et le 30 juillet, c'est à dire trois mois après les premiers symptômes le diagnostique redouté tombe: cancer du foie. Ne sachant pas encore de quel type de cancer il s'agit et n'ayant pas d'images assez précises, l'hépatologue me prescrit un IRM du foie en me disant qu'à Guéret ils seront plus rapides qu'à Limoges. L'après midi même, j'arrive avec mon ordonnance, sur laquelle est mentionné "URGENT +++" à l'hopital de Guéret, et là je suis face à une secrétaire n'ayant aucune compétence pour juger du degré d'urgence, agressive de surcroit qui me dit que j'attendrai mon tour jusqu'au 25 aout, soit 26 jours de délais. Quelle n'est pas ma surprise, d'autant que cet hopital se vante auprès de la presse d'avoir des délais inférieurs à 20 jours et qu'il traite les cas d'urgences 24 heures sur 24.

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Autre surprise, alors que j'ai pris ce rendez-vous à l'hopital de Guéret, je constate que l’ordonnance est émise par un établissement privé, la clinique de la Marche, que mon rendez-vous est fixé au lundi 25 alors qu'on m'avait dit que cet IRM ne fonctionnait que deux jours par semaine, la mardi et le jeudi. Je présume que les autres jours, cet appareil que le contribuable creusois a payé plus d'un million d'euros, est réservé au secteur privé. Je crois savoir que la clinique de la Marche y a contribué à hauteur de 20%. Cela ne justifie pas le fait que cet appareil ne soit dédié au secteur public que 40% du temps. Et dire qu'en 2010 nous nous sommes battu aux cotés de nos élus pour le maintient de cet IRM que le gouvernement précédant voulait supprimer.



Demain je prends la route en direction de Paris pour passer un IRM dans une clinique privée qui tient réellement compte de la notion d'urgence. Peut-être qu'en fin de semaine on va enfin commencer à me soigner.

[stone23]

Bon courage à toi.

Si tu as besoin, n'hésite pas.

[Salix]

Merci Joël pour ton témoignage sur le long cheminement des diagnostics et prises en charge médicales en Creuse...



J'espère que sur Paris , ils sauront bien te prendre en charge et je te souhaite aussi du courage pour tes soins.

[joelausec]

Merci Joël pour ton témoignage sur le long cheminement des diagnostics et prises en charge médicales en Creuse...

C'était le but de ce message, et comme je l'ai publié en section publique, je souhaiterais que l'éventuel débat qui suivrait se limite à ce "le long cheminement des diagnostics et prises en charge médicales en Creuse". Pour tout message d'encouragement et de sympathie personnel, cela peut passer par la messagerie privée, et je remercie ceux qui m'ont contacté par téléphone.



La résignation n'étant pas mon lot, j'ai obtenu un rendez-vous pour l'IRM en moins de six jours dans une clinique privée de la région parisienne, donc ça se fera lundi prochain.



Après examen de mon cas en staff lundi dernier, un autre examen "en urgence" s'impose, le petscan, avant que l'équipe en charge ne soit en mesure de décider d'une thérapie. Ce qui allonge d'autant les délais d'attente... / ...mais à l'instant où je rédige ce message, le CHU de Limoges m'informe qu'il y a un désistement demain matin à 8 heures, donc l'urgence est réellement prise en compte dans ce centre hospitalier.

[Macada]

Merci de ton témoignage, Joël. Outre l'insuffisance générale de moyens, et l'incompétence médicale ou organisationnelle de certains, il montre aussi à l'inverse que des professionnels se démènent bien pour pallier les dysfonctionnements du système et assurer des soins de qualité. Dommage que ce soit au malade de chercher/évaluer/trier ces interlocuteurs-là.

Mais j'ai l'impression que, toi, tu as enfin mis le bon réseau en branle.

Plein de courage à toi.



EDIT : A noter que je ne pense pas du tout que la situation est spécifique à la Creuse.

[mjo]

Au classement des déserts médicaux (Source :intern@ute.com d'hier) La Creuse est première.

[Macada]

Au classement des déserts médicaux (Source :intern@ute.com d'hier) La Creuse est première.

Je n'ai pas trouvé l'article d'hier.

En revanche j'ai trouvé ce dossier sur les données 2010 : [Vous devez être enregistré et connecté pour voir les liens]. Sauf pour les maternités et les dentistes, la Creuse est bien placée, voire très bien placée.

[joelausec]

EDIT : A noter que je ne pense pas du tout que la situation est spécifique à la Creuse.

L’accueil du malade en milieu hospitalier est assez spécifique à la Creuse, tout au moins au centre hospitalier de Guéret. Il y a deux mois, j'étais dans une salle de consultation en gastro, allongé sur la table prêt pour une fibroscopie, quand j'ai vu entrer comme une furie la chef de service qui s'en prenait au personnel et aux autres médecins. Bref tout pour mettre le patient en confiance. Comparé au professionnalisme de l’hôpital privé d'Antony où j'ai passé mon IRM, où comparé à la gentillesse du personnel du CHU de Limoges où j'ai passé la biopsie, ça détonne un peu.

Cette même ambiance tendue est à noter au sein du personnel médical de la clinique de la Marche. La secrétaire qui m'a reçue, quand j'ai demandé un IRM à Guéret, officie d'ailleurs simultanément dans les deux établissements... et avec la même agressivité dans les deux lieux.

[joelausec]

Au classement des déserts médicaux (Source :intern@ute.com d'hier) La Creuse est première.

Je n'ai pas trouvé l'article d'hier.

En revanche j'ai trouvé ce dossier sur les données 2010 : [Vous devez être enregistré et connecté pour voir les liens]. Sauf pour les maternités et les dentistes, la Creuse est bien placée, voire très bien placée.

Ces chiffres ne veulent pas dire grand chose. Une maternité pour 123 000 habitants, ça veut dire une seule maternité dans le département. Celles qui habitent dans le sud de la Creuse vont de toute façon accoucher à Ussel, voir même Clermont, parce que une seule maternité à plus d'une heure de route, c'est pas très envieux comme palmarès.

De même avec les services d'urgence, le seul outils qui permettait aux Creusois d'arriver à temps aux urgence était l'hélicoptère. Et bien ils l'ont supprimé parce qu'il n'avait qu'une seule turbine alors que les normes actuellement en vigueur en réclament deux.



Bonne nouvelle, plus on est de fous plus on rit: la Creuse en tête des établissement psychiatriques... mais est-ce bien une bonne nouvelle? Surtout quand on sait que les méthodes de soins y sont moyenâgeux. En matière d'alcoolisme par exemple, on prend un alcoolo et on le transforme en junky, accroc aux médicaments, c'est pas une solution. Là je sais que les psy creusois défendent farouchement leur territoire, aucune ouverture aux associations telles que Alcooliques anonymes où autre truc qui donne des résultats. Des fois que le client se rend compte qu'il peut se soigner sans aide psy...



Ce n'est pas au nombre d'habitants qu'il faut calculer ici, mais au nombre de kilomètres. Ca change tout de suite le problème.

Un médecin de quartier parisien qui va faire la tournée des trois malades qui sont alités et ne peuvent pas se trainer au cabinet, il en a pour une heure et à pied. Le toubib de campagne creusois qui part faire sa tournée, il en a pour cinq ou six heures dans un rayon de plus de vingt kilomètres bien souvent. Comparons ce qui est comparable.

[Macada]

Oui, je pense que pour la distance aux soins (en temps plus qu'en km) la Creuse est mal placée - au niveau moyens et relativement à ses routes (même s'il n'y a pas d'embouteillages).



Pour le reste, ce que je voulais dire c'est que des incompétents ou des cons on en trouve partout, mais c'est vrai qu'en Creuse il doit être plus difficile de leur trouver des remplaçants quand on veut s'en débarrasser et que le pourcentage est peut-être plus élevé que dans les grands centres urbains.



Quoiqu'il en soit, ton témoignage est effectivement spécifique à la Creuse de ici et maintenant, et l'ambiance du CHR de Guéret fait froid dans le dos.

[joelausec]

Dans mon cas précis, déjà il n'y a pas d'équipe d'hépatologue à Guéret. Ayant un problème au foie, je me rapproche dans un premier temps d'une telle équipe. C'est au CHU de Limoges que je les trouve, et comme ils ont déjà traité mon hépatite C, c'est tout naturellement que je retourne vers eux. Ensuite, mon cas semble les intriguer à Limoges au point qu'il a été évoqué de m'envoyer à Villejuif, là où on a une concentration de cancérologues, tous plus pointus les uns que les autres, assez impressionnante.



Ce type d'équipe, ce n'est pas en Creuse qu'on la trouve. Donc au palmarès des Hépatologues et Cancérologues compétents, ce sera 0 pour 123 000 habitants. Si maintenant on a une petite douleur intercostale et qu'on va chez le toubib, plus pour papoter pendant deux heures dans la salle d'attente avec ses voisins que pour entendre un diagnostique, diagnostique qu'on connait déjà: "ce n'est rien, ça va passer", alors là oui, on peut se sentir rassuré et correctement pris en charge en Creuse.

[framboise]

Coucou Joel

Je débarque en retard sur le forum et suis désolée d'apprendre ces nouvelles.

En effet... ça n'est pas encourageant d 'essayer de se faire soigner en Creuse....

Heureusement que tu as pris la décision d'aller voir ailleurs qu'a Gueret..

Toutes nos amitiés et courage pour tous les examens .

Si tu as besoin de te déplacer, n’hésite pas a passer nous un coup de fil, sommes pas loin.